Article de Pierre Degand, Fondateur de Sequoia Ways http://www.sequoiaways.be/
Au lendemain du dernier jour de leur carrière, certains seniors caressent le rêve de lancer leur propre activité. Ce rêve devient réalité pour de plus en plus de seniors entrepreneurs. Vous découvrirez dans cet article les atouts dont ils disposent, leurs motivations.
La retraite est une transition importante à laquelle il faut se préparer.
En quittant le monde du travail, le jeune retraité perd toute une série de repères sociaux, géographiques et temporels. Avant la retraite, des éléments extérieurs : médias, entreprises, école fournissaient le cadre, le scénario socialement accepté d’une vie idéale. Le passage à la retraite libère du temps, un océan de liberté s’ouvre au jeune retraité.
Le passage à la retraite impose de trouver de nouveaux repères et de repenser son mode de vie, les uns et l’autre permettant d’élaborer ou de fonder une identité partiellement nouvelle. Notons en outre que cela devra s’accomplir dans une société qui bien souvent renvoie aux travailleurs âgés, une image d’incompétence ou de faible utilité. La Belgique se place en queue du peloton européen avec un taux d’emploi des seniors de 42%.
La retraite affecte tout le monde mais à des degrés divers. Si vous étiez fortement impliqué dans le travail et donc votre personnalité modelée par ce dernier, le processus va prendre plus de temps. Découvrir qui on est vraiment, c’est avant tout faire un travail sur soi. Il va falloir vous engager totalement dans l’aventure. Vous devrez découvrir ce qui vous fait vibrer, votre personnalité, ce qui compte pour vous, quelles sont vos valeurs et in fine définir votre mission. Au terme de ce travail sur soi, certains retraités décident de plutôt continuer à travailler, de lancer une activité.
Travailler à la retraite, masochisme, nécessité ou plaisir ?
Selon Ralph Habadou, auteur de S comme seniors (1), 1/3 des retraités travaille en France. C’est une conséquence directe de la loi cumul emploi-retraite qui existe depuis 2009. En Belgique, le même mécanisme enfin allégé a vu le jour le 1er janvier de cette année.
La majorité des retraités choisissent bien évidemment de retravailler pour se constituer une ressource financière supplémentaire. D’autres, plus par plaisir, recherchent dans le travail une valorisation sociale, la satisfaction de transmettre leurs compétences. Le maintien d’un réseau social est bien évidemment aussi une motivation importante. Dans un couple, le passage à la retraite est rarement simultané, ce n’est d’ailleurs pas l’idéal. Le retraité continue parfois à travailler à temps partiel afin d’attendre son conjoint encore actif tout en commençant à apprivoiser sa nouvelle vie de retraité. En général, les retraités travaillent 2 à 3 ans.
Retraite et entreprenariat, n’est-ce pas antinomique ?
Les clichés de la retraite passée au coin du feu ou au bord d’un étang ont la vie dure. Pourtant, en France 4, entrepreneurs sur 10 ont plus de 50 ans (2). Il existe en France un dispositif spécial appelé auto-entrepreneur où la moitié des projets sont portés par des seniors dont 20% sont même retraités. Selon Ralph Habadou cité plus haut, en France, la proportion d’entrepreneur chez les seniors est plus forte que dans le reste de la population. On est donc loin des clichés. La proportion des cadres est plus forte chez les seniors entrepreneurs que dans le reste de la population. C’est une conséquence du chômage qui touche malheureusement de plus en plus de cadres 50+.
Qu’est-ce qui motive les seniors entrepreneurs ?
Ni l’appât du gain, ni le goût du risque, ni le désir de diriger ne semblent être au coeur de leur démarche. Certes, il s’agit de construire son propre emploi et d’en vivre autant que possible.
Mais les seniors entrepreneurs pensent d’abord un projet « d’existence » et recherchent une activité qui procure le sentiment d’un certain accomplissement. S’éloignant des contraintes subies, parfois sans réelles perspectives, du travail salarié, les seniors entrepreneurs recherchent un « travail-projet » qui vaille pour lui-même.
Dans cette perspective, l’expérience, les compétences et la connaissance des milieux professionnels sont déterminantes. Ces atouts donnent une crédibilité certaine aux seniors entrepreneurs, qui placent souvent la transmission de ces savoir-faire comme un objectif crucial de la création.
En créant leur activité de services ou de conseil, ils tentent de retrouver une plus grande liberté d’action et un regain d’efficacité. Forts de leur expérience, ils veulent aider à nouer des coopérations et à rétablir un esprit d’investissement et de qualité.
Ingénieurs et cadres à la retraite ne créent pas eux-mêmes de jeunes pousses high-tech, mais ils peuvent jouer un rôle précieux dans l’accompagnement de ces dernières. En redéfinissant l’esprit du travail, en inventant des métiers, les seniors entrepreneurs semblent avoir un bel avenir devant eux.
Quel type de senior entrepreneur êtes-vous ?
Serge Guérin, sociologue spécialiste du vieillissement, identifie 5 types de seniors entrepreneurs.
- Le débrouillard, il crée son entreprise car il se sent déclassé et doit trouver une solution à la précarité. Sa démarche est du court terme.
- L’opportuniste cherche un complément de revenu en capitalisant sur son expérience professionnelle ou pas.
- L’hyperactif qui recherche surtout la reconnaissance sociale, la réalisation de soi et entre dans la vieillesse la tête haute.
- Le passionné voit dans l’entreprenariat une manière de réaliser sa passion grâce au temps libre.
- L’impulsif répond à une opportunité qui ne correspond pas forcément à une préoccupation interne.
Il est important d’être accompagné dans son projet d’entreprise.
Les seniors entrepreneurs bien plus que les autres, nous l’avons vu, disposent d’atouts importants pour réussir leur projet. Il ne faut cependant pas sous estimer l’importance d’être accompagné. Il y a deux fois moins d’échec chez les starters qui sont accompagnés dès le départ. Sous l’impulsion de Laurent Cattelain, SeniorPreneur est la première initiative en Wallonie d’accompagnement des seniors entrepreneurs. En 2015, grâce à un partenariat entre l’asbl Objectif Entreprendre, la coopérative Challenge et la province de Luxembourg, Seniorpreneur démarre ses activités sur le territoire de la Province de Luxembourg. L’accompagnement pré-création du porteur de projet est un suivi personnalisé pour l’aider à mûrir, préparer et finaliser son projet d’entreprise. Les outils proposés dans le cadre de cet accompagnement sont : la réalisation du business plan (étude de faisabilité commerciale, financière et juridique) ainsi que l’accès aux aides au lancement et aux financements.
Le rôle du conseiller est de fournir les outils, d’analyser et de valider les données récoltées, d’encourager ou au contraire freiner le candidat. Le cas échéant, le conseiller peut participer à la rédaction du business plan moyennant les informations recueillies par le porteur de projet.
Pierre Degand
Fondateur
Sequoia Ways
(1) Livre « S comme seniors, il y a de l’or dans senior » de Ralph Hababou, Editions First.
(2) selon le Parisien économie